« Quels réseaux pour l’Internet des Objets ? »

 

Cinquième entretien Télécom ParisTalks
le 8 décembre 2016

 

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retrouvez les présentations des orateurs et la synthèse de la table ronde

 

La conférence du 8 décembre 2016 a fait le point sur le domaine en pleine évolution des Réseaux pour l’Internet des Objets (IoT). Des présentations des intervenants et du débat qui a suivi, on peut retenir les principaux enseignements suivants :

  • Compte tenu de la diversité des besoins et de leur croissance exponentielle, il y a plus à rechercher une complémentarité qu’une concurrence entre les différentes technologies proposées pour les Réseaux pour l’IoT (telles que Sigfox, LoRa, NB-IoT, …) . En effet, selon les applications IoT, on va trouver des besoins très différents en termes de débit, de temps réel, de sécurité, de voie de retour, de couverture, de pénétration indoor, …
  • Pour permettre cette croissance exponentielle annoncée des applications, deux éléments clés, au-delà des performances intrinsèques des protocoles, vont être :
    • le coût de revient de la fonction réseau côté applicatif, de façon à provoquer le cercle vertueux quantités/coût. Le choix entre systèmes en bandes licenciées (payantes) et systèmes en bandes non licenciées (gratuites) va bien sûr impacter cette question de coût de revient,
    • la consommation en énergie de cette fonction, conditionnant l’autonomie des batteries, voire la possibilité de fonctionner sans batterie.

Ces deux points passent par le développement de composants très intégrés, ce qui ne sera possible que pour un petit nombre de standards (qu’ils soient issus de forums, du 3GPP ou qu’ils soient des standards de fait, …)

  • Plus que la technologie ou les performances des systèmes, ce sont l’écosystème dans lequel ces systèmes vont évoluer, et les nouveaux services qu’ils vont permettre d’offrir, qui vont être déterminants pour leur développement et leur succès : ces nouveaux usages vont impacter nos vies quotidiennes et révolutionner les business models de nombreux métiers traditionnels, avec l’apparition de nouveaux acteurs.

 

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Présentation de :

Riad HARTANI - XONA Partners Californie USA          

Support de présentation Riad HARTANI

Présentation de :

Christophe FOURTET - Co-fondateur et CSO-Corporate Strategy Officer, SIGFOX

Support de présentation Christophe FOURTET

Présentation de :

Stéphane ALLAIRE - Président Directeur Général, Objenious (filiale de Bouygues Télécom)

Support de présentation Stéphane ALLAIRE

Présentation de :

Arnaud VAMPARYS - VP Radio Access, Orange Labs

Support de présentation Arnaud VAMPARYS

Présentation de :

Georges KARAM - Président Directeur Général, SEQUANS

Support de présentation Georges KARAM


Compte-rendu détaillé

Michel Lévy souhaite la bienvenue à tous, en tant qu’animateur de cette conférence. Son programme a été mis au point par le Groupe Réseaux et Services de Telecom ParisTech Alumni (présidé par Xavier Maître et Renaud Trnka), qui avait déjà organisé une conférence sur ce thème en juin 2015. L’objectif de cette nouvelle conférence est, dans le cadre de Telecom ParisTalks, de faire à nouveau le point sur le domaine en pleine évolution des réseaux pour l’Internet des Objets (IoT).

Présentations

Pour assurer son exposé d’introduction de la conférence, Riad Hartani (XONA Partners) intervient par vidéoconférence depuis la Californie ! Il rappelle la diversité des technologies adressant ce domaine des réseaux pour l’IoT, au sens large. Il en cite 24 ! Il les classe en 3 catégories : cellulaire, LPWA (Low Power Wide Area) et verticale (adaptés aux réseaux privés).

Une autre classification compare les technologies sur les axes consommation/couverture et bande licenciées/bandes non licenciées.

Au-delà des technologies, ce qui importe c’est la chaîne réseau de bout en bout, intégrant le traitement des données et le côté applicatif, avec les services à valeur ajoutée, qui sont les plus innovants.

Au plan économique, une évolution est en cours qui va faire passer le coût actuel de 10 $ par mois à un coût de 10 $ par an ! Une telle évolution des coûts va révolutionner les usages. Et il en donne quelques exemples.

En conclusion, Riad propose une classification sous forme pyramidale des technologies évoquées dans les exposés suivants, prenant en compte le débit, la consommation et la sensibilité au coût, et leur adéquation aux différents types d’applications.

 

Puis Christophe Fourtet (Corporate Strategic Officer et co-fondateur de Sigfox) souligne l’importance du modèle de coût et les avantages des bandes non licenciées sur ce point.

Pour compenser les contraintes d’usage de ces bandes non licenciées, Sigfox a développé une technique à très bas débit, de « datagrammes » en accès aléatoire, où la réception fait appel à des formes d’ondes adaptées et à des techniques de diversité spatiale et de Massive MIMO. Cela permet, comme avec un radiotélescope, d’aller rechercher le signal dans des conditions de rapport signal à bruit particulièrement dégradées, tout en obtenant une QoS adaptée aux usages prévus.

L’intégration poussée des fonctions de traitement dans les capteurs et la rapide croissance des besoins permettent d’obtenir des composants à des coûts particulièrement compétitifs, ce qui crée un nouveau marché, celui des LPWA ultra low cost, et permet des nouvelles applications non envisageables auparavant : un cercle vertueux est ainsi créé.

En conclusion, Christophe souligne que, pour lui, le marché est tellement vaste qu’il y a la place pour plusieurs technologies, qui sont, en fait, plus complémentaires que concurrentes.

 

Stéphane Allaire présente Objenious, dont il est le CEO et qui est la filiale du Groupe Bouygues Telecom, en charge de développer les applications IoT, des capteurs aux solutions métiers. Objenious s’appuie sur le déploiement d’un réseau en France en technologie LoRa, qui disposera de plus de 4000 antennes fin 2016, assurant une bonne couverture du territoire.

LoRa s’est avéré être le meilleur compromis technico-économique pour les objectifs recherchés. Un des avantages de LoRa est l’existence de l’Alliance LoRa qui regroupe plus de 30 opérateurs ayant fait le choix de cette technologie, dans de nombreux pays du monde (dont Tata Telecom en Inde et China Telecom, avec les volumes potentiels que l’on peut imaginer dans ces pays), permettant de développer des offres de roaming (car les objets voyagent !) et générant un volume considérable de capteurs et donc une forte économie d’échelle sur le coût des composants et modules.

Des offres multi-réseaux peuvent être proposées en s’appuyant sur le réseau GPRS, et demain sur le réseau LTE, de Bouygues Telecom. Il considère que 40 % de la valeur business se trouvent dans le traitement des données, contre 15 % dans le réseau proprement dit. Et le domaine applicatif est extrêmement dynamique, avec tout un écosystème de start-ups. 

A titre d’exemple, Stéphane cite le cas du Groupe Bouygues, où de nombreuses applications ont été identifiées, à partir du moment où des capteurs connectés à faible coût ont été disponibles.

 

Arnaud Vamparys (VP Radio Access, Orange Labs) rappelle que le Groupe Orange est présent dans 28 pays et a prévu, dans son plan stratégique, de développer un revenu de 600 M€ en 2018 dans le nouveau secteur des applications IoT, pour les entreprises, comme pour les particuliers.

Pour ce faire, Orange va s’appuyer sur différents axes :

  • Orange déploie en France depuis 18 mois un réseau LoRa, qui couvre déjà 1500 villes, LoRa étant adapté au domaine des applications à longue portée, faible coût et faible consommation. Arnaud rappelle les avantages déjà soulignés de LoRa, notamment les possibilités de roaming dans 50 pays dès à présent, grâce à l’Alliance LoRa.
  • De nombreuses applications et services utilisent déjà depuis longtemps le réseau 2G GPRS d’Orange. Orange anticipe l’évolution de ce réseau GPRS vers les nouveaux standards 4G LTE M et dans une moindre mesure le 4G NB IoT (pour des applications indoor) et vers le nouveau standard 2G EC-GSM-IoT (pour les pays/zones non encore couverts en LTE).

Pour accélérer le développement d’applications, Orange mène des actions favorisant l’émergence d’un écosystème (capteurs, analyse des données, analyse des besoins clients, solutions de bout en bout, …). Et Orange développe une famille de services IoT, appelée Live Objects

A titre d’exemple des nombreuses actions engagées, Orange teste des applications LoRa IoT en les déployant chez ses employés. Et Orange s’est aussi associé à Objenious pour organiser un challenge LoRa IoT.

 

Georges Karam (CEO de Sequans) présente Sequans qui s’est spécialisée dans le développement de composants 4G, depuis le Wimax, jusqu’au LTE 4M. Par contre, Sequans n’est pas présent sur la marché du multistandards 2G/3G/4G. Avec Verizon, Sequans a contribué à faire renaître le standard LTE Cat 1 (à 10 Mbit/s), maintenant déployé aux US et au Japon.

Depuis, de nouveaux standards ont été récemment développés par le 3GPP, comme le LTE cat M1 (375 kbit/s permettant des services de voix comme la reconnaissance vocale) et la LTE NB1 (NB-IoT à 63 kbit/s environ, offrant un service comparable à LoRa et Sigfox) à plus bas débit et à plus faible coût/consommation potentiellement.

Et Sequans s’est attelé à la tâche de développer des composants selon ces nouveaux standards, et est, dès cette fin 2016, en mesure de les commercialiser. A noter que le LTE NB1 ne fonctionne pas en bande TDD, ce qui va limiter son déploiement en Chine.

Ces standards sont particulièrement adaptés pour les opérateurs en place disposant déjà d’un réseau LTE, qu’il s’agit alors simplement de mettre à jour au niveau logiciel pour offrir une connectivité selon les nouveaux standards : ce qui est très rapide et peu coûteux.

Georges ne doute pas que, lors du prochain CES, de nombreuses applications adaptées à ces standards seront présentées. Il anticipe des déploiements en LTE M1 aux Etats Unis chez Verizon et ATT dès la fin du premier trimestre 2017, suivi de près par T Mobile USA à la mi-2017. Le Japon et la Corée suivront d’ici la fin 2017. Et, comme l’a dit Arnaud, Orange y travaille…

 

Débat animé par Michel Lévy

Michel donne la parole aux trois nouveaux intervenants que se sont joints aux orateurs précédents pour cette table-ronde :

  • Pierre Gelpi présente Semtech, la maison mère de la start-up française Cycleo, qui a développé le protocole LoRa et qui produit des composants associés. Il souligne qu’en plus des applications dans les réseaux publics, LoRa offre des solutions pour la réalisation de réseaux privés. Il donne comme exemples, des applications possibles dans le domaine de l’agriculture ou pour des bâtiments dans des villes non encore desservies par des réseaux publics pour l’IoT.
  • Benoît Tournier présente Sierra Wireless, qui, notamment par diverses acquisitions (en France, Wavecom, et la Division IoT de Sagemcom), est devenu le leader mondial reconnu des modules M2M, connectés aux réseaux GPRS. Sierra Wireless se prépare maintenant à l’explosion des besoins dans le domaine de l’IoT, et vient de faire des annonces de modules LTE, selon les standards présentés par Arnaud Vamparys et Georges Karam. Le choix des solutions LTE s’appuie sur la conviction que les opérateurs mobiles vont rapidement déployer une couverture mondiale. Benoit évoque également les produits développés par Sierra Wireless avec une carte SIM personnalisée.
  • Daniel Kofman, professeur à Télécom ParisTech et Directeur du LINCS, rappelle que le domaine de l’IoT est un vecteur majeur d’innovation, notamment par les possibilités offertes par la multiplication des capteurs et par le volume de données gigantesques que cela permet de générer.

 

Puis il évoque quelques domaines de recherche dans les laboratoires de Télécom ParisTech autour de ces sujets :

  • le traitement des données, y compris par Intelligence Artificielle, qui va permettre en retour d’agir sur les objets eux-mêmes,
  • les applications distribuées, où, en plus des ressources centralisées du cloud, vont s’appuyer sur les ressources distribuées des smartphones,
  • les questions fondamentales de sécurité que posent les architectures intégrées de bout en bout (rappel de l’exemple récent des caméras qui ont été utilisées pour générer une cyberattaque),
  • la protection de la vie privée,
  • la géolocalisation, où il s’agit de développer des solutions moins coûteuses en énergie que le GPS et fonctionnant en indoor profond.

 

Puis Michel Levy ouvre la séance de questions-réponses avec les nombreux participants. Les sujets abordés sont les suivants :

 

Est-ce que l’avantage de coût des solutions LPWA par rapport aux solutions cellulaires ne va pas se réduire avec le temps ?

P. Gelpi répond qu’il y aura toujours une différence de coût du fait de l’utilisation de bandes licenciées, donc payantes, pour les solutions cellulaires. Et il risque d’y avoir toujours une différence de consommation au niveau batterie.

C. Fourtet estime qu’il y a un marché suffisamment vaste pour que chacun trouve sa place et qu’il y a d’autres facteurs différentiant que la simple technologie.

G. Karam rappelle qu’il y a aussi la question de la carte SIM, mais que, de toute façon, il n’y a pas que la technologie, il faut voir tout l’écosystème pour comparer.

D. Kofman estime que, en ce qui concerne la taille des capteurs, on n’est pas loin d’avoir atteint la limite de la loi de Moore.

G. Karam rappelle qu’en effet, les caractéristiques des capteurs ont un impact sur leurs performances.

A. Vamparys pense que, malgré tout, tout dépend du volume : il cite des exemples d’intégration poussée, par exemple dans les tissus de vêtements !

 

Les solutions raccordées directement aux réseaux fixes ne permettent-elles pas une meilleure fiabilité et une meilleure sécurité ?

Pour Michel, il ne fait guère de doutes que l’explosion des applications IoT se fera très majoritairement par recours à des techniques radio.
Stéphane Allaire abonde dans ce sens et rappelle les questions d’ergonomie associées au WiFi (clé WEP). Pour lui, l’IoT va permettre de nouveaux usages. Il cite un projet prévu avec Carrefour concernant 200 000 capteurs.
Arnaud Vamparys souligne que les techniques radio peuvent elles aussi offrir des solutions pour des environnements critiques (service spécialisé pour le monde industriel): il cite des travaux en cours basés sur la 5G, visant cet objectif, avec des temps de latence optimisés.
Benoit Tournier rappelle que la criticité dépend des usages. Pour les usages critiques, on peut renforcer la robustesse par des techniques d’acquittement, le recours à une carte SIM spécifique permettant le monitoring de la qualité des communications, avec possibilité de back-up vers un second réseau si nécessaire.
C. Fourtet rappelle que l’on peut mettre plusieurs capteurs en parallèle.
D. Kofman évoque les usines 4.0, où les objets communiquent entre eux. Sur la question des batteries, il indique qu’il existe maintenant des moyens pour éviter les batteries lorsque les besoins en énergie sont très faibles.
B. Tournier et A. Vamparys évoquent les besoins spécifiques des objets en mobilité, qui posent notamment des questions spécifiques de roaming.
Il est précisé que Sigfox ne prévoit pas cette possibilité de roaming.

Puis le débat s’oriente sur les évolutions fortes que le développement des capteurs et des réseaux IoT va permettre et qui vont révolutionner nombre de métiers.

Il est ainsi rappelé que le drame de Brétigny aurait peut-être pu être évité, si les rails avaient été équipés de capteurs ce qui aurait permis une politique de maintenance ciblée, par rapport à la politique actuelle de RFF de maintenance en « aveugle » étalée dans le temps. Les pneus connectés de Michelin sont aussi évoqués.

S. Allaire cite l’exemple de fabricants de chaudières, qui, grâce à l’installation de capteurs et à l’analyse des données associées, va pouvoir créer une relation directe avec le client final, sans avoir à passer par le plombier/chauffagiste local traditionnel. Il rajoute que les constructeurs automobiles, comme Renault, sont déjà dans cette logique.

C’est une évolution radicale des business models, qui va entrainer une forte transformation des entreprises, qui, pour la plupart, n’y sont pas prêtes…

B. Tournier donne son propre exemple où il loue son véhicule personnel en autopartage et où, grâce à un certain nombre de remontées d’information, il lui est possible de surveiller le locataire, et, dans certains cas, de le blacklister…

Au-delà des conséquences en termes d’emploi dans certains secteurs, G. Karam décrit aussi les possibilités d’augmentation de chiffres d’affaires, et donc d’emplois, pour beaucoup d’entreprises, du fait de cette connectivité IoT, qui leur permet de développer de nouveaux services. Il donne l’exemple d’une société qui optimise les collectes de ramassage de poubelles, grâce à des capteurs de remplissage, générant ainsi des économies importantes pour les collectivités locales.

D. Kofman évoque le cas des moteurs d’avion, pour lesquels la multiplication des capteurs a permis le développement de modèles de fonctionnement personnalisés, pour chaque moteur. Pour les entreprises fabricant des moteurs, cela leur permet de passer d’une vente de moteurs, à une vente d’heures de vol, avec une maintenance active en quasi temps réel pour compenser les évolutions de fonctionnement constatées, voire les petits dysfonctionnements.

Un autre exemple est celui du domaine de la santé, et notamment du maintien à domicile des personnes âgées dépendantes : de nombreux acteurs se positionnent sur ce secteur, où des remontées d’informations à partir de capteurs individuels, couplées aux informations du dossier médical personnel, permettent un suivi personnalisé.

En conclusion, Michel Lévy fait une courte synthèse et remercie les intervenants pour leurs explications sur ce marché en pleine évolution. Participants et intervenants se retrouvent ensuite autour d'un cocktail pour poursuivre les échanges.

 


 

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